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2024-01-15

Appel à contributions

Langues, jeunes et sociétés : regards croisés et interactions

*La période de réception des intentions de contributions est prolongée jusqu’au 5 avril*

La Revue Jeunes et Société lance un appel à contributions pour un dossier sur le thème « Langues, jeunes et sociétés : regards croisés et interactions », coordonné par Laurence Arrighi de l’Université de Moncton et Éric Forgues de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.

Les intentions de contributions (3 000 signes maximum, espaces comprises), incluant un titre préliminaire, une présentation du sujet (contexte et positionnement dans la littérature), son traitement (méthodologie) et les principaux résultats, doivent être adressées à rjs@inrs.ca au plus tard le 5 avril 2024. Les auteures et auteurs dont les propositions sont retenues seront avisés vers le 15 avril 2024. L’acceptation de l’intention ne présume pas de l’acceptation de l’article, lequel sera soumis à la procédure d’évaluation habituelle de la revue (évaluation par les pairs).

Les articles complets (en français, maximum 60 000 signes espaces comprises et références incluses, accompagnés d’un résumé de 1500 signes, espaces comprises) devront être soumis avant le 2 septembre 2024 en version électronique à rjs@inrs.ca.

Les auteures et auteurs sont invités à consulter la politique éditoriale et les directives de la revue pour la préparation des textes finaux. La revue n’accepte que les textes originaux et inédits qui ne sont pas en évaluation par une autre revue.

Pour obtenir des renseignements supplémentaires, contacter rjs@inrs.ca.

Présentation de la thématique

Ce numéro vise à interroger le rapport à la langue de jeunes qui évoluent dans divers contextes sociaux, que ce soit des situations de mobilités qui peuvent prendre différentes formes (temporaires, permanentes, voulues, forcées, etc.), de minorités, encore comprises de diverses façons (étant entendu que la notion de minorité est à géométrie variable), et plus largement toutes situations où des jeunes se retrouvent en contact avec des langues et des locuteurs/locutrices d’autres langues ou face à d’autres pratiques linguistiques : par exemple les jeunes de milieu populaire qui entrent à l’université et plus largement ce que la littérature appelle parfois des transfuges de classe.

Les contacts que vivent les jeunes avec des membres d’autres groupes linguistiques, d’autres régions, d’autres générations, d’autres classes sociales, d’autres niveaux d’éducation, etc. engendrent des expériences sociolinguistiques qui favorisent la formation de représentations à l’égard de sa langue et de ses pratiques linguistiques ainsi que face à la langue et aux pratiques linguistiques de l’autre. Des logiques générationnelles, économiques, géographiques, culturelles et politiques se croisent pour influencer l’expérience des jeunes et leurs représentations de la langue. Ces logiques favorisent la formation de discours sur la langue, incitant les jeunes à adopter un rapport réflexif à celle-ci, ainsi que certaines postures, attitudes, opinions en matière linguistique. Les discours sur la langue véhiculent nombre de positions évaluatives sur la qualité et le sort de la langue, notamment, mais pas uniquement en contexte linguistique minoritaire. Les personnes jeunes évoluent dans des contextes sociaux qui véhiculent des attentes normatives variées à l’égard de la langue. Autant les générations plus âgées portent leurs attentes sur la jeune génération à l’égard de la pérennité linguistique, autant elles s’inquiètent des dérives linguistiques qu’elles perçoivent (Arrighi et Violette, 2013).

Dans un contexte de diversité inter et intralinguistique, la langue est un marqueur identitaire important. Nous pensons non seulement à la langue en contact avec une autre langue, mais aussi aux variétés linguistiques au sein d’une même langue qui servent tout autant de marqueurs identitaires. Mettre en cause la langue et ses variétés, au nom de la qualité de langue, dans des pratiques quotidiennes peut favoriser une forme d’insécurité linguistique, comme l’ont montré les travaux pionniers de Boudreau et Dubois (1992, 1993). Ces travaux révèlent des formes d’idéologies linguistiques qui classifient et hiérarchisent les langues selon leurs qualités perçues. D’autres phénomènes de marginalisation et d’exclusion peuvent s’accompagner de formes de dépréciation des variétés linguistiques propres à certaines catégories de la population. Ainsi, nous pouvons observer certaines variétés linguistiques chez les jeunes dans des milieux défavorisés qui donnent lieu à une forme d’insécurité linguistique (Gadet, 2020). Nous pouvons penser aux « parlers jeunes » dans certaines banlieues défavorisées et multiculturelles en France où s’observent à la fois des formes d’insécurité linguistique et de fierté identitaire. Pour autant, il convient aussi de questionner les discours produits par ou pour les jeunes qui tendent à relativiser l'importance de la maitrise de la langue standard. Étant donné que la maitrise de la langue standard procure des bénéfices matériels mais aussi plus personnels, les conséquences sociales et individuelles d'un tel discours sont-elles toujours bien cernées, comprises?

Ce numéro vise aussi à interroger l’image sociale que l’on se fait de la langue de jeunes entre critique implacable et louange irénique.

Existe-t-il, comme certains voudraient le croire, un « parler jeune »; n’est-ce pas un euphémisme pour qualifier la langue de groupes marginalisés (personnes racisées au sein de sociétés qui se voient comme blanches avant tout)? Et plus largement en ce qui concerne les pratiques linguistiques de la jeunesse, sont‑elles si différentes de celle du reste de la population? Est-ce que le classificateur jeune prend le pas sur celui de la classe sociale par exemple? Comment les jeunes de milieux minorisés (socialement, culturellement, etc.) naviguent-ils entre pression de pairs et volonté individuelle d’émancipation?

Certaines pratiques culturelles, étiquetées « jeunes » (pratiques de jeux vidéo, usage des médias socionumériques, slam, rap, etc.) offrent-elles une fenêtre sur la langue de demain ou peut-on y voir   plutôt des pratiques alternatives émergeant et vivant à côté de formes plus traditionnelles/conservatrices/standard de langue que possèdent (ou non) ces mêmes jeunes?

Enfin, la jeunesse peut s’engager pour des causes notamment linguistiques. Localement, nous pensons entre autres au combat des associations de jeunes francophones pour l’égalité et la sécurité linguistique des francophones vivant en milieu minoritaire au Canada. Les jeunes participent-ils, et selon quelles modalités, à des entreprises de revitalisation linguistique de langue en situation périlleuse (nous pensons notamment aux langues autochtones d’Amérique et d’ailleurs, aux langues régionales en Europe). Plus largement, nous pensons aussi à diverses formes d’engagement jeunesse: quelle place occupent les questions de langue dans le militantisme jeunesse, souvent transnational?

En plus de celles déjà mentionnées, plusieurs interrogations guident cet appel à contributions.

  • Quelles sont les caractéristiques de l’expérience linguistique des jeunes dans un monde en mutation?
  • Comment les contextes sociaux, institutionnels, économiques et géographiques influencent-ils la construction du rapport des jeunes à la langue?
  • En quoi le statut des jeunes dans la société influence-t-il leur rapport à la langue, tant sur le plan des représentations que celui de l’expérience vécue?
  • Quelle forme d’engagement linguistique peut-on observer chez les jeunes?
  • Quelles sont les pratiques linguistiques de jeunes? Comment les recueillir, les décrire, les comprendre sans les essentialiser?

Ce numéro offre l’occasion de mettre en lumière les modalités de construction croisées des rapports entre les jeunes et la société, en tenant compte de la diversité des contextes sociaux.

Bibliographie

Arrighi, L. et I. Violette (2013). De la préservation linguistique et nationale : la qualité de la langue de la jeunesse acadienne, un débat linguistique idéologique, Revue de l’Université de Moncton, 44 (2), 67‑101. https://doi.org/10.7202/1031001ar

Boudreau, A. et L. Dubois (1992). Insécurité linguistique et diglossie : étude comparative de deux régions de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, Revue de l’Université de Moncton, 25 (1-2), 3-22.

Boudreau, A. et L. Dubois (1993). « J’parle pas comme les Français de France, ben c’est du français pareil; j’ai ma own p’tite langue ». In M. Francard (dir.), L’insécurité linguistique dans les communautés francophones périphériques (p. 147‑168). Actes du colloque de Louvain-la-Neuve, Cahiers de l’Institut linguistique de Louvain.

Gadet, F. (2020). Les parlers jeunes et les représentations langagières, aujourd’hui en France. La Pensée, 403 (3), 45-55.