« Faire rupture » dans les trajectoires délinquantes : catégorisations professionnelles et placement de mineurs en centres éducatifs renforcés
Mots-clés :
justice pénale, placement pénal, France, juge des enfants, délinquance des mineursRésumé
Cet article donne à voir les mécanismes qui structurent l’orientation d’adolescents délinquants vers un centre éducatif renforcé (CER). Dispositifs pénaux réservés aux mineurs, ces structures ont pour but de « faire rupture » dans les trajectoires délinquantes selon les discours institutionnels. Cette enquête qualitative, menée avec des juges des enfants et d’autres professionnels du monde sociojudiciaire, vise à saisir les usages de ce type de placement.
Ce travail montre dans un premier temps que l’âge, le genre, les besoins spécifiques des mineurs doivent être considérés, afin de donner à voir les mécanismes de l’orientation vers un CER. Ces critères doivent aussi être analysés au regard des mécanismes implicites qui structurent l’organisation judiciaire, d’une interdépendance entre les professionnels et des contraintes de fonctionnement des CER. Ces éléments conditionnent les objectifs explicites poursuivis par les juges : la localisation des CER permet la recherche d’une « rupture » avec le quotidien des mineurs, qui se traduit parfois par la valorisation d’un éloignement. Cet aspect est toutefois nuancé par une partie des professionnels, qui craignent des difficultés supplémentaires dans le suivi des jeunes. Le placement est ainsi valorisé pour la prise en charge « contenante » qu’il propose, et la réinsertion des mineurs qu’il est censé initier.
Cette analyse cherche à compléter la littérature sur les mesures pénales destinées aux adolescents délinquants, afin d’interroger les évolutions du traitement pénal de la justice des mineurs et ses logiques géographiques.